Selaković: La situation au Kosovo-Metohija est loin d'être normale et stable

20. avr 2022.
Allocution du ministre des Affaires étrangères de la République de Serbie Nikola Selaković lors de la session du Conseil de sécurité des Nations Unies consacrée aux travaux de la MINUK:

«Honorable Monsieur le Président du Conseil de sécurité,

Honorables membres du Conseil de sécurité,

Honorable Mme la Représentante spéciale,

J'ai le grand honneur de m'adresser une fois de plus à cette éminente instance, suite au dernier rapport du Secrétaire général sur les travaux de la Mission des Nations Unies sur le territoire de notre province méridionale, le Kosovo-Metohija.

Je voudrais réitérer ici que la République de Serbie considère l'engagement de la MINUK comme l'un des facteurs-clefs du maintien de la paix et de la sécurité au Kosovo-Metohija.

Monsieur le Président,

La situation au Kosovo-Metohija est loin d'être normale et stable. Dans cette partie de notre pays, les citoyens de nationalité serbe, ainsi que d'autres non-Albanais, sont toujours bouleversés et attendent chaque nouveau jour avec une grande anxiété, car ils ne savent pas si leurs droits de l’homme fondamentaux seront enfreints ou niés. Ces sentiments sont une réaction à l'instabilité produite par les Institutions intérimaires d'administration autonome de Priština. L'objectif de Priština, en vertu de tout ce dont nous témoignons sur le terrain, est qu'encore plus de Serbes et d'autres non-Albanais quittent le Kosovo-Metohija et que toute forme de diversité culturelle et nationale soit abolie.

Le rapport d'activité de la MINUK que nous examinons aujourd'hui donne un aperçu de la situation avec une description des événements qui ont marqué la période considérée. Nous aurions aimé que le rapport soit plus complet et explicite en ce qui concerne les qualifications des événements et leurs causes, afin que nous puissions voir les événements au Kosovo-Metohija de manière plus complète et sous le bon jour.

Il y a des problèmes clairs au Kosovo-Metohija, et pour les résoudre il est nécessaire d'en identifier précisément les causes. La création d'un équilibre artificiel et l'identification des deux côtés lors de l'examen des situations de crise ne contribuent pas à une solution substantielle du problème. Si nous ne définissons pas clairement les causes du problème, ils se reproduiront et se compliqueront.

Pour tous les gens vivant au Kosovo-Metohija, il est extrêmement important d'envoyer un message de cette réunion à ceux qui détiennent l'autorité entre leurs mains et qui ont la capacité de changer la situation pour le mieux. Et ce message devrait souligner la nécessité d'établir la confiance interethnique, en faisant les Institutions intérimaires de Priština respecter les accords conclus, mettre en œuvre ce qui a été convenu et aligner leurs actions sur les normes internationales concernant l'état de droit et les droits de l'homme.

Honorables membres du Conseil de sécurité,

Le 16 janvier dernier, les Institutions intérimaires d'administration autonome de Priština, contrairement à la résolution 1244 du CSNU, mais aussi à tous les principes démocratiques, ont interdit l'organisation d'un référendum au Kosovo-Metohija sur la modification de la Constitution de la République de Serbie dans le domaine de la justice. Malgré le grand engagement des facteurs internationaux, y compris les pays de Quinte et de l'Union européenne la dissuadant, Priština a réitéré cet acte illégal qui a rendu impossible l'organisation de l’élection présidentielle et des législatives de Serbie au Kosovo-Metohija le 3 avril dernier. Nous indiquons que c'est la première fois depuis 1999 que des citoyens du Kosovo-Metohija soient empêchés de participer aux élections de la République de Serbie, ce qui, entre autres, viole le mandat clairement défini de la Mission de l'OSCE concernant l'organisation des élections. Les Institutions intérimaires d'administration autonome de Priština ont ainsi une fois de plus confirmé leur caractère discriminatoire et déclaré que l'unilatéralisme est le principe de leur agissement.

De la même manière, donc unilatéralement, le 20 septembre, les Institutions intérimaires ont déployé des unités de police spéciales, avec des véhicules blindés, à deux points de passage administratifs vers la Serbie centrale, qui ont confisqué les plaques d'immatriculation des véhicules du nord du Kosovo-Metohija et de la Serbie centrale. La manière dont cela a été fait indique un objectif clair d'intimidation des Serbes du nord de la province, et la conséquence en a été une révolte justifiée de la population locale.

Les Serbes victimes de telles actions ne souffrent pas autant de blessures mais plutôt de la terreur qui est menée quotidiennement par Priština contre le peuple serbe, tant au sud qu'au nord de la rivière d’Ibar. Je viens de citer les paroles de Srećko Sofronijević de Zvečan au Kosovo-Metohija, prononcées alors qu'il était allongé dans un lit d'hôpital. Le 13 octobre, des membres de la police spéciale lui ont tiré dans le dos avec des armes à feu, alors qu'ils ont pénétré dans le nord de la province pour la neuvième fois, contrairement à l'accord de Bruxelles, donc illégalement. Nous aurions aimé voir son nom figurer dans le rapport que nous examinons aujourd'hui.

La peur de l'incertitude parmi les Serbes et les autres non-Albanais au Kosovo-Metohija est également causée par le travail du pouvoir judiciaire, qui agit sur des actes d'accusation secrets, contrairement à toutes les normes internationales. La triste réalité est qu'aujourd'hui au Kosovo-Metohija, si vous êtes un Serbe, vous pouvez être condamné à de nombreuses années de prison en vertu des déclarations non-vérifiées ou contradictoires de témoins, sans preuves matérielles irréfutables et sans équivoque. Cela met en évidence la pratique consistant à mener des procès selon la clé ethnique, et non selon la loi et la justice.

Le nationalisme malin des autorités de Priština se manifeste par l'ignorance des représentants politiques des Serbes dans les institutions, la prise de décisions sans leur participation et la volonté de décapiter définitivement la communauté serbe par des enquêtes et des procès politiquement montés, de créer un sentiment d'insécurité totale et de conduire à l’exode des Serbes du Kosovo-Metohija. Les événements qui l’illustrent notamment sont ceux survenus dans la municipalité de Štrpce le 21 décembre 2021, lorsque 11 Serbes ont été arrêtés, dont l'ancien maire et vice-président de la Liste serbe Bratislav Nikolić, qui est toujours en détention dans le cadre de la prétendue lutte contre la corruption. A la même occasion, l’on a dit aux employés de la municipalité de ne plus venir travailler, ce qui a remis en cause l'existence de dizaines de familles serbes.

Honorables membres du Conseil de sécurité,

Priština dit ouvertement pendant un bon moment déjà que la formation de l'Union des municipalités serbes, prévue par l'accord de Bruxelles, ne sera pas autorisée. Cela sape non seulement le dialogue entre Belgrade et Priština, mais humilie aussi directement les facteurs internationaux, avant tout l'Union européenne. Avec de telles déclarations, Priština envoie un message au peuple serbe de la province qu'il ne doit pas compter sur l'exercice des droits collectifs, et une telle privation de droits devrait finalement conduire à la disparition des Serbes du Kosovo-Metohija.

Malheureusement, il y a encore de nombreux incidents à motivation ethnique, des discours de haine, des intimidations, des violations du droit à un procès équitable, des menaces à la liberté de mouvement et de religion, des profanations d'églises et de cimetières, et je prendrai une bonne partie de votre précieux temps à les énumérer. A la place, un document officieux vous a été distribué détaillant les incidents enregistrés contre les Serbes au Kosovo-Metohija au cours de la période concernée.

Le nombre et la nature des incidents, et seulement au cours de la période considérée, il y en a eu 63 selon nos archives, témoignent sans équivoque du degré élevé de menace et d'exposition à la discrimination continue de la population serbe et des autres populations non-albanaises. La relation est évidente de cause à effet entre la question du retour des personnes déplacées et le nombre d'incidents pour des raisons ethniques. Dans ces conditions, les raisons sont compréhensibles pour lesquelles il y a encore en République de Serbie plus de 200.000 déplacés internes serbes et autres non-Albanais du Kosovo-Metohija. Nous sommes convaincus que la MINUK peut et doit jouer un rôle important dans ce domaine.

Nous nous félicitons de l'appel du Secrétaire général des Nations Unies pour permettre le retour des personnes intérieurement déplacées. A cet effet, des mesures concrètes sont nécessaires pour assurer, entre autres, la sécurité des rapatriés et le plein respect des droits de propriété des personnes déplacées. Nous n'avons pas eu l'impression que les institutions de Priština avaient la volonté politique de changer la situation pour le mieux. Nous assistons au contraire. Les Serbes sont intimidés de diverses manières, encouragés à quitter leur foyer et les personnes déplacées sont découragées de retourner là où elles sont nées. Une telle pratique n'est pas conforme aux valeurs et aux principes que Priština proclame publiquement.

Nous aimerions voir une volonté politique claire et nette et des mesures pour prouver que la discrimination fondée sur des motifs nationaux n'est pas une valeur sociale souhaitable au Kosovo-Metohija, et que la coexistence est possible et nécessaire. Le moyen le plus rapide et le plus efficace d'y parvenir est de respecter les documents juridiques internationaux en vigueur et les accords conclus.

Monsieur le Président,

Pour finir, je voudrais souligner que la République de Serbie continuera de signaler sans cesse à la communauté internationale les problèmes au Kosovo-Metohija. La Serbie s’emploie pour le respect du droit international et pour la pleine mise en œuvre de la résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations unies, ce qui comprend aussi l’engagement continu de la MINUK et la présence de la KFOR, en tant que garants de la paix et de la sécurité. Il est tout aussi important que ces missions internationales continuent d'opérer avec une capacité non-diminuée, compte tenu de ce qui a été dit au cours du débat de ce jour.

Je vous remercie de votre attention.»